Zay, Jean
Né à Orléans en août 1904, Jean Zay meurt assassiné à Molles (Allier) le 20 juin 1944. Nommé le 4 juin 1936 par Léon Blum ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts du premier gouvernement de Front populaire, il est, à 31 ans, il est le plus jeune ministre de toute la IIIe République : un pari sur la jeunesse et sur la compétence politique, que Blum oppose volontiers à la spécialité technicienne et dont il ne cessera de se féliciter.
Délégué fédéral de la Ligue des droits de l’homme, franc-maçon initié à la loge Étienne Dolet en 1926, Jean Zay, né d’un père juif laïque et d’une mère protestante, est élu président de la section d’Orléans des Jeunesses laïques et républicaines (JLR) en 1928 et vice-président de la fédération des JLR en 1930. L’année suivante, il est élu par le comité radical du 28 décembre pour être candidat dans la première circonscription d’Orléans. Son parcours politique se résume ainsi : « Député à 27 ans, ministre à 31 ans, prisonnier politique à 36 ans, mort à 39 ans ». Résistant, « le juif Jean Zay » est assassiné par des miliciens vichystes en 1944. « Il a toujours été fidèle à ses convictions, à ses amis. Il n’a jamais, ni de près, ni de loin, été taché par la corruption des idées, des ambitions ou de l’argent. Il a servi la France et la République jusqu’au sacrifice de sa vie. Sans ostentation ni intolérance, mais avec calme et fermeté, il a soutenu sans faillir la cause de la gauche qu’il avait faite sienne dès son adolescence. » (Robert Badinter, novembre 1996)
Son ministère, décisif dans l’histoire des politiques éducatives et culturelles, bat avec trente-neuf mois consécutifs, sous
cinq gouvernements, le record absolu à ce poste sous la troisième République. Outre la reconnaissance par Léon Blum, des capacités et des options politiques de Jean Zay, le choix du leader du Front populaire s’explique aussi par la jeunesse du ministre et son appartenance au courant radical de gauche qui se veut « l’âme de la République », une République fondée sur l’école et l’égalité des chances.
Jean Zay marque durant toutes ces années (1936-1939) son engagement total au service de la jeunesse, de l’éducation et de la recherche scientifique. Il pousse à son terme la réflexion sur un projet de grand « ministère de la vie culturelle », dont il dessine lui-même le schéma précis, comportant un secrétariat d’État très nouveau, le secrétariat d’État à l’Expression nationale. Son action débouche sur de nombreuses mesures qui enrichissent et diversifient considérablement le paysage éducatif, culturel et artistique de la France.
Ce grand républicain, par ailleurs franc-maçon et très attaché à la liberté de conscience et à la tolérance, est un défenseur de la laïcité, mais il convient de rappeler que le terme « laïcité » est moins employé à l’époque qu’à la nôtre, et qu’elle est l’objet de peu de débats théoriques. En revanche, la question des signes religieux à l’école est à l’ordre du jour en 1936 et 1937 et les textes rédigés par Jean Zay marquent très fortement ses orientations et ses choix.
En juillet 1936, Jean Zay signe une circulaire qui vise l’interdiction des insignes politiques : « Je vous prie d’inviter les chefs d’établissements secondaires à veiller à ce que soient respectées les instructions interdisant tout port d’insignes (…) Vous voudrez bien considérer comme un signe politique tout objet dont le port constitue une manifestation susceptible de provoquer une manifestation en sens contraire. L’ordre et la paix doivent être maintenus à l’intérieur des établissements scolaires, mais en même temps vous veillerez à ce que les chefs d’établissements évitent les incidents et les éclats et que l’on procède, dans toute la mesure du possible, par la persuasion plutôt que par la contrainte. » Précisons le contexte : certains élèves arborent les insignes des ligues d’extrême droite très actives. Un an plus tard, la circulaire du 15 mai 1937 étend cette mesure aux signes religieux : « Ma circulaire… a attiré l’attention de l’administration et des chefs d’établissement sur la nécessité de maintenir l’enseignement public de tous les degrés à l’abri des propagandes politiques. Il va de soi que les mêmes prescriptions s’appliquent aux propagandes confessionnelles. L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. » Jean Zay a invoqué l’ordre public : il fallait que la tranquillité règne dans les lycées. La notion d’« ordre public » semble alors beaucoup plus pertinente que celle des signes ostentatoires.
Le 27 mai 2015, journée nationale de la Résistance, Jean Zay a fait son entrée au Panthéon au côté de trois autres figures de la Résistance française, représentant les valeurs de la République ; il incarne la laïcité.
Annette Bon Dictionnaire de la Laïcité (2°édition)
Pierre Girard, « Les projets constitutionnels de Jean Zay », Histoire @ politique, no 1, 2007. Antoine Prost (dir.), Jean Zay et la gauche du radicalisme, Presses de Sciences Po, 2003.
Olivier Loubès, Jean Zay : l’inconnu de la République, Armand Colin,