Sécularisation n’est pas laïcisation
Une sécularisation, même forte, n’implique pas nécessairement la laïcisation. En d’autres termes on rencontre des pays où le rôle social de la religion a fortement reculé sans pour autant que l’on ait délimité une sphère publique dans laquelle aucune religion ne peut influer. L’historien Jean Baubérot cite comme exemple de cette dissociation, la situation du Danemark, où le luthéranisme, religion majoritaire qui peut : « servir de support à une religion civile, valable pour la nation dans son ensemble, sans qu’un puissant mouvement social conteste cet état de fait, [alors que la pratique religieuse ne concerne plus] qu’une minorité de « fidèles ». Institutionnellement, dans ce cas, une religion peut rester une religion établie ou nationale au sein d’une société sécularisée. »
Inversement, comme c’est le cas en Italie, la religion peut réussir à maintenir une influence assez forte alors même que des mesures de laïcisation sont prises par l’appareil d’État. Il est donc possible d’analyser une société sous deux aspects différents : en fonction de son degré de laïcisation ou de son degré de sécularisation. Le rapport entre laïcisation et sécularisation peut faire apprécier plus finement la relation entre l’institutionnel et la religion et le rapport culturel à la religion.
La sécularisation est majoritaire dans l’Union européenne
Les pays européens sont majoritairement plus sécularisés que laïques. La laïcité reste une caractéristique forte de la France qui fournit de la laïcisation un exemple significatif par sa loi de séparation de 1905. En cantonnant par la loi les religions dans le domaine la sphère privée, l’État a laïcisé la société en offrant une égalité de statut à tous les citoyens, croyants comme non-croyants. Cependant, il existe encore en France des régions où cette loi n’est que partiellement appliquée, comme l’Alsace et la Moselle, ou la Guyane et Mayotte…
Sécularisation et raisonnement religieux
La sécularisation de la société ne libère pas pour autant les individus du raisonnement de type religieux. On en voit quelques exemples dans les options qui sont prises en France en matière de bioéthique où la société, confrontée à des questions nouvelles que les progrès scientifiques font émerger, se trouve démunie de critères d’évaluation autres que religieux. Ceux-ci ont souvent nourri les débats lors des lois sur l’avortement et plus récemment sur la reproduction des cellules souches ou sur l’euthanasie, bloquant ainsi le vote de lois plus adaptées aux attentes de la population.
Il n’en reste pas moins vrai que dans une société sécularisée, la plupart des citoyens ne sont plus prêts à accepter que des institutions religieuses puissent peser sur leurs choix fondamentaux de vie, leurs pratiques sexuelles ou leurs options politiques.
M.C. ,Dictionnaire de la Laïcité (2°édition)
Alain Dierkens (éd.), Pluralisme religieux et laïcités dans l’Union européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université libre de Bruxelles, 1994.