Rousseau, Jean-Jacques (1712-1778)
Né à Genève en 1712, mort à Ermenonville en 1778, Jean-Jacques Rousseau est issu d’une famille calviniste établie en Suisse depuis plus d’un siècle. Il s’enfuit de Genève en 1728 ; la rencontre avec Mme de Warens est décisive. Rousseau mène une vie d’errance entrecoupée de séjours aux Charmettes, près de Chambéry chez sa protectrice. Il rencontre Diderot, écrit dans l’Encyclopédie, se passionne pour la musique à laquelle il consacre plusieurs ouvrages et cherche sa voie jusqu’en 1750 où il devient célèbre avec Le Discours sur les Sciences et les Arts. Ce dernier est couronné par l’Académie de Dijon et suscite une vive polémique de la part de Stanislas Leszczyński, alors duc de Lorraine. En 1755, Rousseau publie son Discours sur l’origine de l’inégalité, référence pour la pensée politique moderne.
À partir de cette date, Rousseau crée une œuvre majeure, encore lue, étudiée, discutée aujourd’hui, autant dans ses aspects sociaux, politiques et philosophiques que littéraires.
Brouillé avec Diderot et Mme d’Épinay, Rousseau achève de s’aliéner les philosophes en publiant sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles (1758). Entouré par de nouveaux protecteurs (Madame et Monsieur de Luxembourg), Rousseau fait paraître Julie ou la nouvelle Héloïse (1761). Ses ouvrages Du contrat social (1762), et Émile ou De l’Éducation (1762) sont brûlés à Genève et à Paris. Rousseau devient un proscrit.
Malade, obsédé par l’idée de complot, et hypocondriaque, il est brouillé avec tous ses amis : outre Voltaire et Diderot, Saint-Lambert, Grimm, etc. cessent de le fréquenter. Rousseau erre encore d’un lieu à l’autre, épouse sa compagne Thérèse Levasseur dont il aurait eu plusieurs enfants, tous abandonnés aux Enfants-Trouvés. Il rédige encore ses Confessions, écrites entre 1765 et 1770 et publiées seulement en 1782 et 1789, revient à Paris et produit ses Rêveries du promeneur solitaire, ouvrages annonciateurs du romantisme en littérature. En 1794, 16 ans après sa mort, la Convention fait transférer ses cendres au Panthéon.
Toute sa vie, Jean-Jacques Rousseau a pensé l’organisation de la société future. C’est dans le Contrat social que se trouvent exposées ses idées maîtresses, révolutionnaires à l’époque, concernant l’association politique visant à préserver ses membres et leur prospérité :
– Le peuple est souverain ;
– Un corps moral et politique est constitué avec un pacte social dont la clause principale est « l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté » ;
– Les individus sont libres et égaux ;
– Le peuple souverain jouit d’une souveraineté inaliénable, indivisible, infaillible et absolue.
Ces idées seront reprises lors de la Révolution, qui lui en sera reconnaissante. Dans le dernier chapitre du Contrat social ajouté tardivement, Rousseau défend l’idée qu’une religion est indispensable pour maintenir la cohésion d’une société, mais une « religion civile », qu’il invente, avec un même Dieu pour tous, qui affirme l’existence d’une vie après la mort et qui consacre la « sainteté des lois ». Ainsi seraient satisfaits les besoins des citoyens et anéantis les effets pervers des religions existantes, souvent instrumentalisées par le politique. Ce chapitre VIII du livre IV du Contrat Social, intitulé « De la religion civile », aborde tout naturellement la question essentielle de la tolérance : « Ceux qui distinguent l’intolérance civile de l’intolérance religieuse se trompent à mon avis. Ces deux intolérances sont inséparables […] Partout où l’intolérance théologique est admise, il est impossible qu’elle n’ait pas quelque effet civil. »
Et, plus loin : « Maintenant qu’il n’y a plus et qu’il ne peut plus y avoir de Religion nationale exclusive, on doit tolérer toutes celles qui tolèrent les autres, autant que leurs dogmes n’ont rien de contraire aux devoirs du citoyen. »
Ainsi, en héritier de John Locke dont il libéralise la pensée, Jean-Jacques Rousseau pose les bases de la séparation des Églises et de l’État.
Claudine Cerf et Martine Cerf, Dictionnaire de la Laïcité (2°édition)
Émile Poulat et Jean Baubérot, Laïcité, in Encyclopædia Universalis, 2007.
Conférence aux Charmettes de Ghislain Waterlot, de l’Université de Genève et Directeur de l’Institut Romand de Systématique et d’Éthique, 2009 : www.ac-grenoble.fr