Racisme
Cette idéologie basée sur la défense d’une supériorité de certaines « races » est toujours prônée par ceux qui estiment appartenir à une supposée « race supérieure ». La base du racisme, le concept de « race pure » appliqué aux hommes n’a aucune existence scientifique et il est pratiquement impossible de lui découvrir un objet bien délimité. Le racisme n’est pas une théorie scientifique, mais un ensemble d’opinions, souvent peu cohérentes, ne découlant pas de constats objectifs, extérieurs à celui qui les exprime et servant plutôt à justifier des attitudes et des actes. Ces derniers sont généralement motivés par la frustration et la peur d’autrui, d’où le désir de l’agresser, afin de se rassurer et de s’affirmer à son détriment. Le racisme se manifeste dans l’utilisation de différences biologiques, psychologiques ou culturelles, réelles ou imaginaires à partir desquelles s’élabore un discours dévalorisant pour l’autre. Il trouve ainsi son expression soit sur le plan individuel (injures, violences), soit à l’échelle d’un État, qui l’érige en doctrine et promulgue des lois racistes.
Ainsi, au XVI e siècle, les Espagnols opposent la « mission civilisatrice » de l’Espagne en Amérique à l’« infériorité naturelle » et même à la « perversité » des Indiens. Ils en déduisent la légitimité de la conquête et de l’établissement des Européens. La domination du groupe jugé supérieur est alors considérée comme légitime et cette vision accompagne les débuts de la colonisation. L’indigène n’est pas seulement tenu pour inférieur, ce qui ne serait pas de sa faute, mais il est traité de « pervers », donc moralement blâmable, méritant sanction ou, au moins, correction.
Montesquieu, déjà, se moquait des premières argumentations du racisme biologique, dans L’esprit des lois. Il faut attendre les temps modernes pour qu’apparaisse l’explication quasi systématique et présentée comme scientifique par les racistes contemporains. La science est alors détournée afin de fournir une garantie indiscutable de sérieux aux thèses racistes. On s’appuie sur les travaux de Linné (1707-1778) et de Buffon (1707-1788), lesquels ne sont d’ailleurs pas exempts de préjugés, ou sur l’autorité de Darwin. L’un des initiateurs, Gobineau (1816-1882), se fonde sur l’anatomie comparée du cerveau pour affirmer que celui du Huron ne saurait contenir, même en germe, un esprit semblable à celui de l’Européen.
À la fin du XIX e siècle, l’Europe cultivée est convaincue que le genre humain se partage en « races supérieures » et en « races inférieures » (voir, par exemple, Renan et l’anthropologue Broca).
Au XX e siècle, c’est surtout en Allemagne que ces idées, conjuguées avec une tradition antisémite, ont le plus d’influence ; la doctrine raciale nazie se base sur l’œuvre d’Hans Günther, professeur de « science raciale » à l’Université d’Iéna. Selon lui, tous les Aryens partagent un type nordique idéal qui crée un contraste avec les Juifs, issus d’un mélange de plusieurs races. La lignée généalogique, les mesures anthropologiques de crânes et les évaluations de l’apparence physique sont utilisées afin d’apporter une caution à une doctrine raciale sans réel fondement scientifique. Alfred Rosenberg, théoricien du nazisme, développe ensuite ses théories raciales dans Le Mythe du vingtième siècle (1930), qui ont conduit à la déportation et au génocide de populations entières.
En Italie à la même époque, le fascisme cherche à légitimer l’hégémonie italienne sur d’autres peuples décidés inférieurs.
Dans les pays slaves, des mouvements panslavistes recherchent dans la littérature, les mœurs et la langue les preuves d’une supériorité qui les conduit à approuver ou même à susciter de sanglants pogromes.
Les pays anglo-saxons n’échappent pas à la contagion ; à la suite des recherches de l’Anglais Galton (1812-1911) sur l’eugénisme, des savants anglo-saxons se réunissent au début du siècle à Londres pour définir les moyens de lutte contre la prolifération des autres races, qui pourrait mettre en danger la race blanche. Aux États-Unis, on a essayé de promouvoir une véritable « croisade ethnologique ».
L’Afrique du Sud, enfin, de 1948 à 1991, fait de l’apartheid, la séparation entre « Blancs » et « non Blancs », le fondement de ses institutions.
La laïcité peut-elle être assimilée à une doctrine raciste ? C’est en tout cas une accusation portée par certains de ses détracteurs. Il serait vain de chercher dans la définition de la laïcité, la moindre allusion à une supériorité quelconque d’un groupe humain sur un autre ou même la moindre volonté d’exclusion d’un groupe particulier. La laïcité tout au contraire vise à rassembler tous les citoyens dans une société qui leur garantit l’égalité des droits et respecte leur liberté de conscience. L’accusation de racisme se révèle là, sans fondement.
M.C. Dictionnaire de la Laïcité (2°édition)
Pierre-André Taguieff (dir.), Dictionnaire historique et critique du racisme, Puf, 2013.