Laïc – Laïques
Dans le vocabulaire de l’Eglise catholique le « laïc » est le simple fidèle, par opposition au clerc investi d’une mission officielle au sein de l’organisation ecclésiale. L’Eglise recouvre donc deux réalités distinctes. En tant qu’ecclesia (en latin « assemblée »), elle est d’abord la réunion des croyants qui partagent une même foi, et dont tous les membres sont en principe égaux dans l’acte d’adhésion spirituelle qui les unit. En tant qu’organisation structurée, hiérarchisée verticalement et distribuée géographiquement, elle est une institution dont les différentes strates jouent un rôle défini dans l’administration du sacré, des biens et des finances dont l’Eglise « établie » dispose, des pouvoirs qui s’y ordonnent. Deux Eglises réunies en une, en somme : l’assemblée des fidèles et l’institution hiérarchique productrice de doctrines et de normes.
Dans les communautés religieuses, le couple laïc/clerc prend un sens interne qui permet de penser le rapport entre l’ensemble des fidèles et les administrateurs officiels de la foi. A cet égard, le sens traditionnel du mot « laïc » se retrouve dans plusieurs langues : espagnol, anglais, français, entre autres. L’anglais évoque le layman qui, à l’instar du « laïc » en français, désigne l’adepte d’une religion qui ne fait pas partie de son clergé. L’origine en est le terme grec laos, la population comprise comme unité indivisible, sans différenciation des personnes qui la composent. Le Nouveau Testament désigne par laos le peuple de Dieu. Plus tard, dans le christianisme, le « peuple des laïcs » recouvre l’ensemble des fidèles qui doivent recevoir du clergé les vérités religieuses bonnes à croire. L’idée de soumission intellectuelle se double alors d’une soumission morale. Le clergé détient la bonne parole et l’interprétation officiellement reconnue comme référence incontestable. Les clercs font la leçon aux « laïcs », qu’ils dominent.
Jules Ferry l’utilise pour l’école comme synonyme de « neutralité confessionnelle ». Mais l’esprit des textes fondateurs de Condorcet imprègne le mot d’un sens positif, et pas seulement négatif. Est laïque ou laïc ce qui porte le souci de la liberté, du jugement rationnel, de la lucidité critique, et de l’universel. Puisque les hommes ont des options spirituelles particulières, les uns croyant en Dieu, les autres non, et d’autres encore suspendant leur jugement, une république de tout le peuple ne peut promouvoir aucune croyance particulière : elle se doit donc d’être « laïque » en ce sens que ses références et sa finalité ne peuvent être que ce qui est de tous (l’ensemble du laos) et non de certains (telle ou telle communauté religieuse).
Henri Pena-Ruiz Dictionnaire amoureux de la Laïcité