La Liberté de Conscience
La notion de liberté de conscience est directement issue de la philosophie grecque. Avec Socrate, il est clair que le sentiment de soi qui définit la conscience est délié de toute contrainte. Certes la conscience peut se tromper, mais ce constat ne change rien au fait qu’elle est libre. Cela est si vrai que la force qui permet à des hommes de s’emparer de mon corps et de la priver de liberté n’atteint pas ma conscience, qui n’en pense pas moins. Bref, la conscience est selon l’expression du stoïcien Marc Aurèle une « citadelle intérieure », donc imprenable. Elle doit rester inaccessible à toute pression extérieure, qui n’atteint au mieux que le corps, ou le souci de paraître.
La forme décisive de la liberté est la conscience libre, c’est-à-dire pleinement maîtresse de ses jugements. L’autre nom de cette liberté est l’autonomie, à savoir la capacité de se donner à soi-même ses propres pensées. La liberté de conscience suppose donc que nulle pression ou interdiction ne s’exercent sur elle. La conscience libre nécessite une culture et une capacité intellectuelle propres à fonder l’exercice maîtrisé du jugement. D’où le rôle d’une école ouverte à tous, gratuite, afin de mettre hors jeu les différences de fortune qui sinon pèsent sur l’accès à la culture, et soucieuse d’enseigner ce qui permet d’accéder à l’autonomie rationnelle et morale de la personne.
La liberté de conscience – et notamment la libre adhésion à une religion comme le refus éventuel de toute religion – est associée à l’égalité de principe de tous les hommes. L’assigner à la sphère privée, ce n’est pas en méconnaître la dimension collective (manifestée par exemple dans un rassemblement de fidèles ou une rencontre de militants), mais concevoir un statut qui la mette hors de portée de toute tentation autoritaire. Le domaine de conscience et d’action ainsi soustrait à la normativité politique n’est pas nécessairement celui d’un « ego » insociable ou égoïste. La démarcation juridique ne met en jeu aucune qualification d’ordre éthique ou psychologique : elle organise l’ordre externe de coexistence d’individus libres et égaux.
Henri Pena-Ruiz Dictionnaire amoureux de la Laïcité