Fanatisme (Voltaire)
« Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste ; celui qui soutient sa folie par le meurtre, est un fanatique. Jean Diaz, retiré à Nuremberg, qui était fermement convaincu que le pape est l’Antéchrist de l’Apocalypse, et qu’il a le signe de la bête, n’était qu’un enthousiaste ; son frère Barthelemi Diaz qui partit de Rome pour aller assassiner saintement son frère, et qui le tua en effet pour l’amour de Dieu, était un des plus abominables fanatiques que la superstition ait pu jamais former.
[…] Le plus détestable exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces la nuit de la Saint-Barthélemi leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe.
[…] Il n’y a d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui répandu de proche en proche adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal ; car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir, et attendre que l’air soit purifié.
[…] Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? »
Voltaire, Dictionnaire philosophique,
Paris, Garnier-Flammarion, 1964.