Élisabeth Badinter : « Il n’y a pas de féminisme sans laïcité »
La philosophe française revient dans « Le Monde » sur les principaux enjeux de société de ces derniers mois concernant l’égalité entre les femmes et les hommes.
Elle est l’une des intellectuelles françaises ayant le plus travaillé et écrit sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. La philosophe Élisabeth Badinter est revenue dans Le Monde sur le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes, porté par Marlène Schiappa, secrétaire d’État entre les femmes et les hommes, les possibles dérives des mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc ou encore les dangers des groupes anti-avortement.
Sur l’âge de consentement sexuel pour les mineurs ayant des relations avec des adultes, la philosophe explique par exemple au Monde qu’elle approuve que le gouvernement « ait tenu compte des avertissements du Conseil d’Etat contre les condamnations automatiques ». Élisabeth Badinter explique cependant qu’elle « regrette que l’âge du consentement soit fixé si tard » tandis que, pour elle, la notion d’outrage sexiste est trop large.
La violence du mouvement « Balance ton porc »
Comme de nombreuses personnes, Élisabeth Badinter a vu dans les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc une initiative qu’elle juge « intéressante ».
La philosophe a cependant observé un « dérapage » notamment concernant les violentes critiques adressées à l’égard de Catherine Deneuve, signataire de la tribune des 100 femmes mais également l’un des soutiens du « manifeste des 343 », paru en 1971. Son objectif était de plaider pour la légalisation de l’avortement.
Le retour des anti-avortement
Sur la question de l’avortement justement, Élisabeth Badinter s’inquiète des voix religieuses qui s’élèvent contre tandis qu’une majorité reste « muette et inconsciente du danger qui pèse sur ses droits ».
Il y a deux ans encore, dit-elle, ces voix anti-avortement étaient inaudibles dans l’espace public et médiatique. « Il y a aujourd’hui une force militante toute nouvelle qui se bat pour la suppression de l’avortement », explique la philosophe en citant Sens commun, La Manif pour tous et le groupe Les Survivants. « Nous sommes assez ignorants de ce qui est en train de se jouer » en France, ajoute celle pour qui « il n’y a pas de féminisme sans laïcité ».
La défense d’un féminisme intersectionnel
La philosophe martèle qu’il est « impératif de relier la question des libertés personnelles, individuelles, féminines, à la neutralité absolue d’un État laïque qui n’a pas à se conformer à la parole religieuse. »
Elle ajoute dans cet entretien que les « néo-féministes » doivent prendre en compte le sort de toutes les femmes, notamment les plus précaires. Ce sont elles qui ont « plus de risques d’être harcelées que les femmes qui ont un travail stable ». Or, la dimension sociale des inégalités entre les femmes et les hommes restent encore peu abordée, selon Élisabeth Badinter, l’une des premières intellectuelles à défendre une idée d’un féminisme intersectionnel.
Pour l’autorisation d’une GPA « éthique »
Élisabeth Badinter est favorable à la PMA mais aussi à la GPA dite « éthique ». C’est-à-dire qu’elle serait « encadrée », et qu’elle protégerait « toutes les parties contre les dérives commerciales possibles ».
La philosophe demande qu’on écoute la parole des femmes ayant adopté ce rôle de « nourrices bienveillantes » : elles « ne sont pas traumatisées par cette expérience », assure Élisabeth Badinter avant d’ajouter : « Il faut en finir avec l’idée que l’amour maternel est automatique ». Ce principe est portée par l’écrivaine depuis ses débuts avec la publication de son premier essai, L’Amour en plus, en 1980.
publié le 12/04/2018 à 11:18 Le Monde