Cour européenne des droits de l’homme
La Cour européenne des droits de l’homme siège à Strasbourg depuis 1959. C’est une juridiction rattachée au Conseil de l’Europe, compétente « pour statuer sur des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme ». Elle veille au respect des droits de l’homme de 800 millions d’Européens dans les 47 États membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié la Convention. Depuis 1998, la Cour siège en permanence et peut être saisie directement par des particuliers à la condition qu’ils aient épuisé tous les recours nationaux à leur disposition.
La Cour statue sur la base de la Convention européenne des droits de l’homme et du droit en vigueur dans l’État concerné. Ses arrêts, d’application obligatoire pour les États, peuvent conduire les gouvernements à modifier leur législation et leurs pratiques administratives. Dans certains cas d’urgence, la Cour peut être saisie et réagir rapidement afin d’interrompre une procédure abusive en cours. En près d’un demi-siècle, la Cour a rendu plus de 10 000 arrêts qui constituent une jurisprudence qui consolide l’État de droit et la démocratie en Europe.
Chaque fois que la Cour a été saisie d’affaires liées à la laïcité, elle a réaffirmé la validité de ce principe dans le droit des États qui le mentionnaient dans leur Constitution ou leur législation. Quelques exemples :
– Leyla Şahin c. Turquie (no 44774/98) : Leyla Şahin, étudiante en médecine à l’université d’Istanbul, s’est vu refuser l’accès aux épreuves écrites au motif qu’elle porte un foulard islamique ce qui est contraire aux règlements de l’université en Turquie. La requérante considère qu’on a porté atteinte à sa liberté de pensée, de conscience et de religion, à son droit à l’éducation et qu’elle est victime de discrimination et de non-respect de sa vie privée et familiale, de sa liberté d’expression. La Cour donne raison à l’université, considérant que le port du foulard est inspiré par une religion ou une conviction et doit donc être soumis aux restrictions de manifester sa religion prévues par la loi.
– Lucia Dahlab c. Suisse (no 42393/98) : la requérante est une institutrice qui souhaite travailler en portant le voile islamique, afin de respecter, dit-elle, une prescription coranique, tandis que la directrice générale de l’enseignement primaire s’appuie sur l’article 6 de la loi de l’instruction publique pour le lui refuser. Là encore, la Cour donne raison aux autorités genevoises, en raison de l’impact sur la liberté de conscience et de religion des enfants en bas âge. La Cour considère qu’il y a difficulté de concilier le port du foulard islamique avec un message de tolérance, de respect de vie privée et surtout d’égalité et de non-discrimination, valeurs qu’un enseignant se doit de transmettre à ses élèves.
– Lautsi c. Italie (no 30814/06) : Mme Solie Lautsi, estime la présence de crucifix au mur de l’école publique fréquentée par ses enfants, contraire au principe de laïcité de l’État et demande que ceux-ci soient retirés, comme ils l’ont été précédemment des bureaux de vote. Après un premier arrêt de la Cour favorable à la plaignante, la Grande Chambre en deuxième examen (18 mars 2011), considère que l’affichage du crucifix est plus culturel que religieux et qu’il ne constitue pas la preuve d’un endoctrinement actif, laissant l’État les États libres d’exercer leur marge d’appréciation en la matière.
– S.A.S. c. FRANCE (no 43835/11). La requérante se plaint du fait que l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public (loi du 11 octobre 2010) la prive de la possibilité de revêtir le voile intégral. La grande Chambre, même si elle considère que la voie législative peut être disproportionnée en l’espèce, affirme que la Convention européenne n’est pas violée et qu’ « il entre assurément dans les fonctions de l’État de garantir les conditions permettant aux individus de vivre ensemble dans leur diversité. »
La Cour a également été amenée à se prononcer sur le port de signe religieux dans le cadre du travail : deux requêtes dirigées contre le Royaume-Uni, ont amené la Cour à interpréter les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantissent respectivement, la liberté de religion et l’interdiction de discrimination. Les deux requérantes, une hôtesse de l’air et une infirmière gériatrique, se plaignaient de s’être vues interdire de porter une croix chrétienne autour du cou sur leur lieu de travail. La Cour, dans son analyse, a veillé à ce qu’un juste équilibre soit trouvé entre les droits individuels et les intérêts de l’employeur. Tout en réaffirmant la liberté de manifester sa religion sur son lieu de travail (cas de l’hôtesse de l’air), elle admet que l’employeur puisse y apporter des restrictions lorsque celle-ci empiète sur les droits d’autrui ou contrevient à un impératif de sécurité (cas de l’infirmière).
Martine Cerf. Dictionnaire de la Laïcité(2°édition)
Convention européenne des droits de l’homme.