Civisme
Civisme
On appelle généralement « civisme » l’attitude d’obéissance aux lois mais aussi le respect des exigences de la vie commune, même si elles ne sont pas consignées dans des textes législatifs. Il est clair qu’une telle attitude, fondée sur l’idée qu’il faut veiller aux conditions d’une vie commune harmonieuse, est très importante pour une république démocratique. L’œuvre d’un grand penseur nous permet de la comprendre. Dans sa typologie des régimes politiques, Montesquieu précise que ceux-ci se différencient selon deux critères ; leur nature et leur principe. Leur nature, ou si l’on veut leur essence, est ce qui les définit. Gouvernement d’un seul, et arbitraire, car sans constitution pour le « despotisme » (en grec, le despotès est le maître absolu). Gouvernement d’un seul réglé par des lois fondamentales pour la « monarchie ». Enfin gouvernement du peuple souverain pour la « république ». Quant au principe, il recouvre la disposition subjective qui fait que le gouvernement fonctionne sans entraves. La peur liée au sentiment de qui-vive que fait régner le despotisme, l’honneur lié au respect du rang hiérarchique dans la monarchie, la vertu comme disposition civique à respecter les lois dans la république.
Dans le cas de la république démocratique, l’intérêt général doit constituer sans cesse le but et la référence. Et la vertu civique est d’autant plus importante que la liberté des citoyens exclut toute coercition illégitime de l’exercice du pouvoir. D’où le rôle essentiel de l’éducation pour faire advenir en tous et en chacun « l’amour des lois et de la patrie ». La république ne peut en effet tenir sa force que de l’attachement que lui portent ses citoyens. Le type de nation ainsi formé rompt avec la logique traditionnelle de l’imperium (pouvoir dominateur) propre à des monarques qui considéraient plus ou moins leurs royaumes comme des domaines possédés. Communauté de droits et de devoirs également partagés, la république ne privilégie aucun particularisme religieux ou coutumier : faite pour tous à égalité de droits et de devoirs, elle a une portée universelle.
La laïcité républicaine met en jeu des devoirs et pas seulement des droits-libertés. C’est un point essentiel pour comprendre le rôle du civisme et de l’éducation qui en assure la promotion.
Relire Montesquieu permet de comprendre le lien entre civisme, laïcité et république.
« C’est dans le gouvernement républicain que l’on a besoin de toute la puissance de l’éducation. La crainte des gouvernements despotiques naît d’elle-même parmi les menaces et les châtiments ; l’honneur des monarchies est favorisé par les passions, et les favorise à son tour : mais la vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible. On peut définir cette vertu, l’amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières : elles ne sont que cette préférence. Cet amour est singulièrement affecté aux démocraties. Dans elles seules, le gouvernement est confié à chaque citoyen. Or, le gouvernement est comme toutes les choses du monde ; pour le conserver, il faut l’aimer. On n’a jamais ouï dire que les rois n’aimassent pas la monarchie, et que les despotes haïssent le despotisme. Tout dépend donc d’établir dans la république cet amour ; et c’est à l’inspirer que l’éducation doit être attentive. »
Montesquieu, De l’esprit des lois, livre V, chapitre V, « De l’éducation dans le gouvernement républicain », 1748.